Ugo Fernando Sébastião propose un ensemble pictural marqué d’un mélange entre esthétique post-punk et iconographie religieuse. Son travail est avant tout celui d’un glaneur, mot qu’il utilise lui même pour se définir. À l’inverse du peintre, sa recherche ne commence pas dans un carnet de croquis mais sur internet et Google Images, à partir duquel il se constitue des bibliothèques de screenshots qu’il regarde avec attention. Il en sélectionne des détails, des bribes dont lui seul peut tirer parti. Ancré dans son temps et dans sa génération, Ugo explore les possibilités d’apprentissage que les nouvelles interfaces numériques ont apporté. Alors qu’il se qualifie parfois de « faux-peintre », considérant que le passage par Photoshop lui retire une approche conventionnelle de la peinture, il l’aborde avec un oeil singulier et personnel qui oscille entre peinture contemporaine, techniques utilisant des outils contemporains et traitement quasi archéologique de l’Histoire de l’Art.
L’artiste se pose la question de la dissolution des oeuvres et de la persistance de certains éléments et de certaines figures dans son appréhension de l’Histoire de l’Art. C’est entre la dalle homogénéisée de son écran et son travail de monteur/installateur qu’Ugo Fernando Sébastião découvre ses sujets et les décortique.
Sur Google Images, il scrute les tableaux ‘’oubliés’’ des peintres de l’époque de la Renaissance Italienne comme Fra Angelico ou du classicisme français avec Philippe de Champaigne et en extrait des détails auquel il donnera un second souffle. Grâce à un recadrage millimétré, il les sort de leur contexte et nous les présente de façon neutralisée, permettant à chaque visiteur une lecture unique et personnelle.
« Persistant Shapes », première exposition personnelle d’Ugo Fernando Sébastião, présente un corpus d’oeuvre traversées par l’Histoire de l’Art et les problématiques de la société d’aujourd’hui. L’artiste étudie avec autant de distance les tableaux du baroque romain que son feed Instagram. Cette distance, il l’impose aux visiteurs grâce à l’utilisation du monochrome et d’un vernis ultra-brillant qui nous forcent à nous éloigner ou à nous rapprocher. La notion de contraste est primordiale dans le travail d’Ugo, elle est présente dans son sujet et sa façon de le traiter ainsi que dans l’approche de chaque visiteur. L’artiste nous force à réveiller notre œil endormi tellement habitué à recevoir les images dans un flux continu.
Si la pratique d’Ugo Fernando Sébastião est principalement picturale, l’artiste n’hésite pas à pousser le médium en dehors de ses supports. Il met à l’épreuve la notion de matérialité de l’œuvre en pensant tout ces aspects : supports, encadrements, et accrochage. C’est en manipulant des œuvres patrimoniales qu’il a développé un réel rapport physique à la peinture. Cette idée d’extraire de leur contexte les figures sur lesquelles il concentre son attention lui permet de révéler une certaine matérialité de la peinture.
Ugo Fernando Sébastião aborde le médium peinture comme une forme de performance. Son rôle de peintre, il le définit grâce à la métaphore du masque, un symbole qu’il utilise à la fois pour ses différentes représentations dans l’histoire de la peinture et pour le filtre qu’il apporte à la lecture de son travail. Il l’utilise également dans le traitement de ses images, filtrées et masquées, elles sont une sorte d’altération de la réalité qui nous amènent elles-mêmes à une lecture performative de la peinture.
Ce que l’on retient du travail d’Ugo Fernando Sébastião, c’est cette position de l’artiste qui vient scruter l’Histoire de l’Art et piocher dans les ressources contemporaines pour proposer une pratique complètement habitée par son passé et son futur. Ugo fait partie des artistes qui puisent dans l’intégralité des possibilités de leur pratique et poussent même la notion de médium à être redéfinie.
Texte :
Violette Wood