THE DOUBTS - Exposition personnelle de Ugo Sébastião- pal project
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Expositions
06.03.25 - 26.04.25
Solo show/THE DOUBTS
Ugo Sébastião dit souvent qu’il ne répète que très rarement le même procédé. Ainsi, parmi les dix nouvelles peintures de sa seconde exposition à la galerie pal project, l’artiste a diversement pu jouer aux fléchettes avec ses pinceaux ou laissé officier les vers à bois en maîtres de l’aléatoire. Il a fait appel au dissolvant pour tenter d’oublier ou bien encore au plomb pour lester le poids de l’histoire. Cette matérialité exacerbée, née d’une recherche frénétique d’incarnation, il faut la lire en regard avec une seconde dynamique. À partir d’images source glanées sur internet, l’artiste procède par déclinaison sérielle et cérébrale d’un même motif dont il nous présente une répétition altérée. Cela concerne particulièrement le répertoire de la peinture baroque, cet inépuisable réservoir de vanités crépusculaires, de corps arqués et de saints convulsés que l’on jurerait avoir déjà vus ailleurs. L’œuvre finale de l’artiste s’y tient en équilibre, dans cet intervalle incertain entre circulation et recapture. L’artiste, né en 1998 à Lyon, appartient à une nouvelle génération d’artistes chargé·es se dépêtrer avec plusieurs héritages distincts et de s’en distinguer. Il y a certes la peinture canonique, conservée et historiographiée, mais également la tradition plus récente des artistes qui, tout au long du XXe siècle, firent un sort à la condition de l’image techniquement reproductible. Ceux·celles-ci, parfois désignés d’ « artistes iconographes »¹, ont permis de légitimer des pratiques comme le collage, la collection, le recadrage, l’échantillonnage, le reblog ou le reshare. Ils·elles ont en même temps démontré combien les critères hérités de l’originalité, de l’individualité et de l’invention se trouvent disqualifiés au sein de la condition post-média voire post-internet. Aujourd’hui cependant, surfer sur un océan d’images ne suffit pas et les sirènes de la dématérialisation ne charment plus grand monde. En s’investissant physiquement dans la production d’ « objets irréguliers »², Ugo Sébastião rematérialise les scories de l’ère liquide. Avec « The Doubts », il en va selon l’artiste d’une « tentative d’user, d’épuiser une manière jusqu’à ce qu’elle bascule vers autre chose »³. « Persistant Shapes » (2022), sa précédente exposition à la galerie, introduisait certains de ses traits formels distinctifs : le vert acide, la citation baroque, le motif des masques. À s’y pencher de plus près, certaines toiles du nouvel ensemble révèlent des points d’achoppement inédits : une main à six doigts, en particulier, met la puce à l’oreille. Cette anomalie trahit l’usage de l’intelligence artificielle pour générer certains motifs. Au sein de la toile monumentale The Doubt, différents registres iconographiques sont juxtaposés dans le même plan : l’IA voisine avec la peinture sur le vif et l’emprunt à la tradition picturale. Reste que l’impression finale, elle, découle du corps-à-corps de l’artiste aux prises avec une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. L’identification immédiate laisse alors place à un rythme de lecture décéléré et le plaisir émoussé du sensible reprend timidement ses marques – par-delà la dématérialisation. Dans le livre Immediacy, Or The Style of Too Late Capitalism (2024), Anna Kornbluh fait de l’immédiateté le style culturel des années 2010. Selon elle, celle-ci instaure une tyrannie ambiante où tout est dès lors instantané et immersif : « L’immédiateté, c’est le déluge sans rien pour l’épancher, l’inondation stylisée d’une immanence intense au sein de notre esthétique culturelle qui se conforme étrangement aux conditions contemporaines des marées noires et des raz-de-marée. »⁴ Ugo Sébastião a beau se confronter au même présent trouble, ses toiles irrégulières balafrent l’immanence pour mieux inviter à la réappropriation située de notre mémoire reproduite. ¹ Garance Chabert et Aurélien Mole (éd.), Les artistes iconographes, Empire books/Villa du Parc, 2018. ² Entretien avec l’artiste, février 2025. L’emploi de l’expression peut être vue comme un clin d’œil à la “perle irrégulière », ou barroco en portugais, dont le baroque tire son nom. ³ Entretien avec l’artiste, Ibid. ⁴ Anna Kornbluh, Immediacy, or The style of too-late capitalism, Verso, 2024. p. 33 [T. de l’a].

Texte de : Ingrid Luquet-Gad

 

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