Exposition 'J'ai fermé les yeux' | Group show - pal project
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Expositions
04.04.24 - 11.05.24
Group show/J’ai fermé les yeux
L'exposition 'J'ai fermé les yeux' présente les oeuvres de Lea de Cacqueray, John Fou, Alex Foxton, Cyrielle Gulacsy, Julien Heintz, Mari Katayama, Lucien Murat, Laurent Proux, Louis Verret et Jeanne Vicerial, sous le commissariat de Lucien Murat.

Utilisant la métaphore de la séparation amoureuse, l'exposition « J’ai fermé les yeux » interroge la disparition chez l’humain de l’empathie pour le Vivant.

Nous sommes plongés dans l’intimité d’un couple qui n’est plus ; Gaïa à travers une lettre adressée à l’humanité cherche à comprendre, avec tout le désespoir de celle qui a été trahie, les raisons de leur rupture.

En évoquant ainsi le drame si familier de l’amour, l’exposition évoque notre rapport à Gaïa, ce formidable système vivant et auto régulé auquel nous sommes intimement connectés.

  « A toi qui a vécu ici, 

J’ai fermé les yeux pour ne plus voir que tes ruines, regarder les murs pleurer leurs larmes de pierre.

Commence ici mon errance dans la banalité effroyable de la rupture qui libère et m’arrache à ma solitude de bâtisseuse. Vois ce temple, jadis érigé au nom d’un amour.

Toutes les pierres délicatement amoncelées pour élever l’autel devant lequel mes genoux n’ont eu cesse de ployer et mon dos de se courber laisse à présent percer le jour, ouvert aux vents de la déréliction. 

Le soleil, immuable, chante l’hallali de ce qui ne sera plus : ses rayons transpercent la roche, couvrant ton temple de blessures incandescentes.

Ses rayons lumineux percent l’air à travers le plafond fissuré, révélant une myriade de particules, comme autant de souvenirs en suspens qui chutent lentement, cherchant dans un dernier élan à s’accrocher à quelque raison de vivre.

Nos chuchotements et nos rires, nos caresses et enlacements, nos souffles et silences gisent ici. Anéantis, dans ce qui n’est plus qu’un mausolée de matières inertes. Tes yeux rieurs, jadis compagnons de joie et de malice, se sont détournés de moi, révélant ta vraie nature, insatiable d’un savoir mortifère. 

Scrutant avec l’attitude orgueilleuse de celui qui sait, tu disséques la matière. Tu ordonnes ses atomes avec la rigueur froide d’un scientifique décortiquant chaque note d’une partition pensant y déceler les mystères d’une symphonie.

Ah tu prétends me connaître ? Mais t’arrêter à la vérité anatomique de mon être c’est nier toute la vérité poétique qui l’anime. 

Écoute l’harmonie secrète, vois ses accords et ses interconnexions qui lient chaque notes dans le plus grand silence. N’est-ce pas dans cette part invisible que l’amour opère ?

Jours après jours, tu as cessé de me voir, de m’écouter et de me sentir. Pour mieux me meurtrir tu m’as fait étrangère mais sans jamais mourir je me tus à mon tour.

J’ai longtemps gardé au fond de moi l’espoir inavoué que tu souffrirais de ma perte. Mais non pas toi. 

Oui toi, le pilleur de cadavre qui laisse à tes mains viles la besogne de fouiller mes entrailles à coups de pioches et de pelles. Toujours plus de coups portés, de trous creusés, et de terres ravagées au nom de la modernité. Pendant que tes yeux haranguent le ciel, défiant toujours plus loin, toujours plus haut, le Dieu que tu y as placé sur le chemin de ton progrès. Ah le progrès, ta faute originelle, vertue dont tu te drapes pour déguiser ton avidité, cette vaine soif de domestiquer tout ce que tu touches.

Abandonnant ma main, fuyant mes caresses, tu tends les bras vers ce vide éthéré, condamnant tout ton être à la disparition. Vois, ta fuite perpétuelle vers la chimère d’un futur plus meilleur qu’un présent déjà mort et perdu. Chacune de tes actions, comme autant de sentences aveugles, nient la réalité de ton existence.

Va, lentement, au-delà du ciel. Embrasse l’obscurité de ce vide sans vie. 

Oui va, enfonce toi dans l’abîme de ton orgueil, égaré dans le fatras de tes techniques infaillibles. Éloignement cruel du fou qui, ignorant de l’unité du Monde, décide de s’extraire de la Vie.

Mais avant que ne vienne le soir, écoute une dernière fois l’appel de nos nuits sans sommeil, là où nos cœurs mêlés battent à l'unisson, sous le poids de ce ciel édifiant ta maison. Souviens-toi des bras du cosmos, oú nos songes en symbiose n'appartiennent à personne. Éternels partenaires fait de sang ou de sève.

Alors, regarde moi, Gaïa, figée en pleine lumière, et quand au point du jour tu deviendras poussière, sans perdre la mémoire j’ouvrirai grand les yeux. »

Texte : Lucien Murat

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